Qu’est ce qui vous rend épanouie dans votre travail?

Spontanément je me vois donner toute mon énergie dans un rôle, une mimique et beaucoup d’humour. Le côté théâtral quand je me mets en scène pour apprendre une notion, je sens que je les tiens, ils sont avec moi, ils ont le sourire et les étoiles. C’est pour ce moment là précisément que j’aime ce que je fais. C’est là que je vibre. Pour tous ces petits moments de bonheur, de rire, de partage.

Oui c’est top de transmettre, de les voir progresser, de faire ce qui est attendu de nous.

Ce qui me plaît encore plus, c’est tout ce que je donne qui change d’un enseignant à l’autre et pourtant riche par chacun, car nous sommes des êtres uniques.

J’aime quand je reçois une peine de coeur ou un moment triste de la maison, parce que c’est ça de moins sur le coeur de l’enfant qui ose me le confier.

J’aime quand un enfant se dévoile et ose enfin participer, parler, aider.

J’aime quand l’enfant dans l’opposition aux autres a des paroles encourageantes et sincères envers un camarade qu’il rabaissait quelques semaines plus tôt.

J’aime quand ils n’osent pas croire en un projet et s’aperçoivent que, si, nous allons le mener et que c’est l’euphorie.

J’aime, même quand ça bouscule toute mon organisation ces exposés spontanés qu’ils préparent avec tant d’enthousiasme.

J’aime donner de moi, parce que c’est ce qui les marque. Mon humanité. Que j’ai eu des problèmes avec les maths plus jeune, que je sois tête en l’air et que j’ai aussi besoin de leur aide.

Ce qui m’épanouie c’est quand la leçon d’histoire part en débat, quand leurs yeux s’illuminent parce qu’ils comprennent le lien entre la lecture, la leçon de géo et l’art visuel, quand le jeu du merci et du compliment fonctionne.

Ce qui m’épanouie, ce n’est pas de cocher les cases, ce n’est pas d’évaluer, ni de remplir mes bulletins ou les dossiers PAP, ppre, gevasco, ce ne sont pas les rdv de parents ni les réunions de cycle. Ce n’est pas de préparer des séquences bien lisibles pour la hiérarchie, ni de suivre à la lettre les méthodes qui me plaisent. Ce qui me plaît c’est la vie de la classe. C’est que truc ose me dire qu’il est triste et que nous cherchions à ce que l’émotion le traverse le plus sereinement possible, c’est que machin pose un mot sur ses actes et arrive à s’en excuser. Les leçons de maths et de français sont nécessaires, mais elles se trouvent sur internet. Le microcosme de la classe avec les interactions ne se vivront pas de la même manière ailleurs. Parce qu’ailleurs, ce ne sont pas les mêmes personnes, ni le même régulateur.

Alors oui, je culpabilise de ne pas poser un cadre rigide, de vouloir trop souvent dédramatiser, donner des chances. Et alors finalement ? N’est ce pas mieux un enfant qui va à l’école en sachant qu’il va rire au moins une fois dans la journée ? Même s’il a du mal à comprendre, même si la vie à la maison n’est pas folichonne, même si les relations aux autres sont difficiles.

Mon métier c’est d’apprendre. Apprendre les maths, le français. Apprendre à vivre ensemble. Le vivre ensemble que j’ai choisi comme sujet de mémoire. Ce vivre ensemble qui me donne encore du fil à retordre parce que nous n’avons pas toujours la solution et que parfois, les problemes bêtes de  » il m’a pris mon crayon » ,  » il m’a poussé/ non c’est pas vrai  » ,  » il ne veut pas être loup  » et toutes les techniques à rallonge de communication non violente qu’il faudrait mettre en place nous pèsent. Et pourtant c’est l’essentiel , le principal.

« à l’école on apprend à grandir » m’avait dit une élève de grande section. Et oui. Et on le fait ensemble. En groupe. Dans la tentative du respect de l’individualité de chacun. Sacrée gymnastique.

Et tout cela m’impressionne encore. Parce qu’aucun cours ne peut préparer à ça.

C’est un shoot de bonheur d’évoluer avec des enfants, les guider, faire partie de leur vie.

C’est épuisant, anxiogène, décourageant ou frustrant parfois même. Mais c’est pour cette minute, cette demi seconde de force et de bonheur, cette parole qui semble anodine mais qui ne l’est pas, c’est pour tout cela que l’on encaisse.

Donner. Leur donner ça me va. Tant que mon don n’est pas jaugé, encadré, contrôlé. Comment quantifier et juger la qualité humaine?

Vouloir mettre les enfants dans des cases, des couleurs dans les bulletins, cela ne me parle pas. Je regarde mes plans de tomates grandir sans vouloir en calibrer les tiges et les fruits.

Et c’est là que les bords de mon Bocal viennent me heurter, dans la limite administrative et la pression sociale que véhicule mes fonctions.

La créativité

Cet aspect de ma vie si essentiel.

 » c’est impressionnant tout ce que tu produis, comme tu à l’air d’avoir besoin de créer. »

Qu’est ce que ces paroles d’une amie sonne juste. Comme je me sens cernée, mais pas du tout emprisonnée par cette réalité.

En maternelle, ce besoin était complètement comblé. Je fabriquais, j’imaginais des choses à mon image, qui faisaient écho à mes goûts et mes valeurs, et je laissais ces petites mains et ces esprits en devenir s’en saisir. Et c’était une dose de bonheur non négligeable. C’était beaucoup de liberté, de partage en douceur. Dans un rythme plaisant.

Aujourd’hui avec des plus grands, je me sens plus perdue, beaucoup plus bridée. Limitée.

Il faudrait faire éclater le carcan et oser tout simplement.

Difficile d’accepter ma réalité, ma vision et la dissonance avec ce qui est demandé, parfois pas forcément réalisable à mon sens, peut être moins réalisé que je ne veux le croire.

Qualité de relation, humour et joie de vivre, arts et créations, voilà ce que je recherche dans mon travail pour m’épanouir.

2 réflexions sur “Qu’est ce qui vous rend épanouie dans votre travail?

    • laruchedemel dit :

      Merci beaucoup, ce commentaire me touche tout particulièrement 🙏🏼
      Devant le stress et la pression, j’essaie de voir la magie et le positif du métier, c’est important, pour moi et pour eux. Merci de tes lectures et retour.

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